Si la fin de l’été marque le retour au travail ou à l’école pour la plupart d’entre nous, les expatriés ne sont pas en reste. Ils organisent souvent leur fin de mission à l’étranger sur ce calendrier pour se caler sur la scolarité de leurs enfants.

Il est unanimement partagé tant par les équipes de Ressources Humaines que par les expatriés eux-mêmes que cette phase reste délicate. Pourtant malgré un consensus sur ce constat, les retours de mission à l’étranger restent bien peu accompagnés par les entreprises.

Certains qualifient même cette étape comme la problématique première de la Mobilité Internationale.

Autant lors du départ à l’étranger, les entreprises déploient des trésors de prestations (formation interculturelle, cours de langues, voyage de reconnaissance, agence de relocation, …) mais personne, qu’il s’agisse du département de départ ou celui qui accueillera l’expatrié au retour ne perçoit cette transition comme un enjeu critique justifiant de financer des dispositifs d’accompagnement à la réinsertion dans le pays de départ malgré les difficultés avérées.

Le management, lui-même, opère parfois des raccourcis en traitant le retour comme une transition logistique de quelques jours.

Mettons en garde contre cette vue court termiste puisque la mobilité, particulièrement à l’international, amplifie tout (gestion des émotions, estime de soi, confiance, peur, relation à l’autre, …).

De fait, le retour de l’étranger constitue une véritable transition de vie : changement d’environnement professionnel / social / sensoriel (paysages, odeurs, …) / de rythme  / de langue … .

Certains professionnels ont décrit par le menu le difficile ressenti de l’expatrié au retour en le qualifiant de « choc culturel inversé ».

A priori, pas besoin de « nursing » pour les expatriés et leurs familles rentrant dans le pays qu’ils connaissent. Toutefois, nombre d’entre eux ne se sentent plus chez eux faisant souvent apparaitre les mêmes symptômes : désorientation, sentiment de solitude et d’abandon, incompréhension, manque de reconnaissance de l’expérience internationale, anxiété face à la complexité administrative et au marché immobilier tendu, envie de repartir à l’étranger voire dépression et ce, d’autant plus dans un monde très mouvant.

Attendu comme le Messie au pays d’accueil, le salarié a bénéficié d’un confortable package (primes, avantages en nature) lors du départ. Au retour, retournement de situation, il réalise que l’on ne l’attend pas forcément.

Loin de la « lune de miel » vécue par les découvertes dans le pays d’accueil, l’expatrié se trouve dans une situation d’autant plus anxiogène puisqu’il se sent perdu dans son propre pays où il ne retrouve pas ses marques.

Pour l’expatrié, ces ressentis sont inattendus, brutaux entrainant parfois de l’irritabilité. Côté RH, bien que connu, l’ampleur du phénomène reste sous-estimée laissant planer l’image de l’autruche selon certains expatriés.

Qu’il s’agisse des réseaux professionnels ou personnels, ces derniers ne mesurent pas comment chacun a pu évoluer hors hexagone (modification de la manière de penser, réagir, travailler).

Un décalage se créée entre ce que la personne est devenue et celle que l’entourage attend, tel l’adulte devant revenir vivre chez ses parents.

Aussi, nous profitons de cette période de rentrée propice aux bonnes résolutions pour vous donner quelques clés et recommandations permettant le succès des retours de missions internationales.

Spécialistes des Ressources Humaines, vous pourrez les partager avec vos expatriés.

Bien que chaque histoire soit unique, il s’agit de conseils de bons sens pouvant s’adapter au vécu et à la personnalité de tous sous forme de 10 règles d’or.

 

  1. Bien définir ses motivations de départ.

Elles conditionnent le succès du retour. Attention à la fuite, si le départ à l’étranger permet  de s’affranchir d’une situation, gageons que cette dernière existera probablement quelques années après voire sera décuplée.                                 Imaginons la demande de mobilité internationale formulée par un salarié lassé des visites dominicales chez sa belle-mère. Il y a fort à parier que cette dame âgée n’ait pas changé 4 à 5 ans plus tard voire soit de plus en plus                        dépendante et moins facile à vivre.

 

  1. Garder le contact avec les Ressources Humaines du Pays d’Origine pendant toute la durée de la mission dans le Pays d’Accueil et leur faire part des nouvelles responsabilités et compétences acquises au cours de la mission à l’étranger.

Avant l’expatriation, le salarié rencontre le service Ressources Humaines à plusieurs reprises afin de caler toutes les conditions de sa mobilité (contrat, rémunération, mesures d’accompagnement, couverture sociale, fiscalité,                   activité du conjoint, scolarité des enfants, …). Parfois le conjoint participe à ces rendez-vous livrant à l’employeur maintes informations sur la vie privée du salarié. Une relation plus personnelle se noue avec les futurs expatriés.               Plusieurs années après, l’équipe RH de l’entité cédante peut avoir changé. Les nouveaux interlocuteurs ont une connaissance moins fine des salariés expatriés, encore moins de celle des nouvelles compétences développées dans               le pays d’affectation. Ils ne penseront pas forcément à eux lors de changement d’organisation. Aussi, pour tordre le cou à l’adage « loin des yeux, loin du cœur », suggérez à vos expatriés d’entretenir un lien régulier avec vous, et              , même en l’absence de problématique spécifique. Il peut tout simplement s’agir de venir boire une tasse de café lors de chaque retour en France pendant les congés annuels.

 

  1. Se tenir au courant des changements d’organisation dans le Pays d’Origine via un mentor.

Lorsque les nouveaux postes et responsabilités sont communiqués, les jeux sont faits. Il convient de connaitre en amont les évolutions organisationnelles et les postes disponibles à venir. Certaines entreprises mettent en place                 une procédure de mentoring. Chaque expatrié se voit attribuer une sorte de parrain appelé « mentor ». Ce collègue est basé dans le pays de départ, si possible hors ligne hiérarchique afin de favoriser la confiance entre les 2                       parties, l’impartialité et la neutralité des échanges sur les évolutions de l’entité de départ, l’état d’esprit des collaborateurs, bref tout type d’informations sensibles, pertinentes pour se projeter et ne pouvant être écrites.

 

  1. Conserver des liens de qualité avec son réseau.

Toute organisation évolue régulièrement. Les postes disponibles les plus élevés ou intéressants sont rarement publiés en amont surtout dans notre culture française qui fait la part belle à l’implicite. Dans ce contexte, au-delà du               mentor, pour vos salariés, il sera  primordial de garder un contact régulier avec les personnes qui leur sont proches. En effet, elles pourront partager des informations plus denses.

 

  1. Faire part à la RH du Pays d’Origine de son projet de retour 6 à 8 mois avant la fin de la mission

Les mobilités internationales ne coïncident pas toujours avec la durée indiquée dans le contrat d’expatriation. Le salarié peut terminer son projet avant l’échéance ou bien ce dernier peut être reconduit avec de nouvelles                             missions. Encouragez vos salariés à anticiper la fin de l’expatriation et à prendre contact avec leur RH de départ plusieurs mois avant l’arrivée de l’échéance. Cela vous permettra de prendre le temps de trouver le poste adéquat                 pour le salarié de retour.

 

  1. Savoir «décontextualiser » son expérience pour en faire une compétence et démontrer sa plus-value dans une nouvelle mission

Lors d’entretiens préparant le retour, le salarié aura tendance à décrire ses activités de manière factuelle. Le fait de parler couramment japonais n’a pas forcément d’intérêt pour un poste en province en France. En revanche,                      démontrer sa capacité d’adaptation parce qu’il a été rapidement à l’aise dans une autre langue, une autre culture peut se transposer dans toute situation L’expatrié devra s’attacher à développer ses compétences plutôt que ses                    actions.

 

  1. Faire son auto-bilan: réflexion sur ses acquis, ses compétences transférables, son savoir-faire opérationnel validé.

Chaque expatrié pourra individuellement faire son introspection à travers un bilan simple avant tout entretien pour envisager son futur poste. Nul besoin de coach de haut niveau.

Proposez-lui de remplir le tableau ci-dessous appelé Matrice STAR (Situation – Tâches / Talent –  Actions – Résultats) :

 

 

Dans quelle Situation me suis-je trouvé ?

Décrit le contexte pour donner une vision globale à l’interlocuteur 

– …

– …

– …

 

Quelles Tâches doivent être effectuées ?

Désigne les missions et objectifs à atteindre

 

Quels Talents ai-je dû mobiliser ?

Désigne les talents pour atteindre les objectifs

–        …

–        …

–        …

 

 

Quelles Actions ai-je réalisé ?

Correspond à l’ensemble des actions réalisées pour atteindre les tâches

 

–        …

–        …

–        …

 

Quels Résultats ai-je obtenu ?

Souligne le bilan et les effets de vos actions

et mentionne des données chiffrées

 

–        …

–        …

–        …

 

 

Il ne suffit pas d’avoir développé des compétences encore faut-il que celles-ci soient transférables dans le nouvel environnement. Il en est de même pour le savoir-faire opérationnel. Le salarié doit pouvoir illustrer comment il les a appliqués ainsi que les résultats obtenus.

Ainsi structuré, le récit du parcours gagnera en densité et deviendra plus convaincant aux yeux de l’interlocuteur.

 

  1. Faire le deuil de la perte de revenus et d’autonomie

Le salarié envoyé à l’étranger, à la demande de son employeur, reçoit une rémunération plus élevée que dans son pays de départ. Ces émoluments compensent l’éloignement de son réseau social (famille, amis, collègues de                         travail) ainsi que la nécessaire adaptation à un environnement culturel et professionnel différents. S’ajoutent des primes pour couvrir des conditions de vie moins confortables (climat, absence de loisirs / services publics /                         consommation courante, …). Enfin de nombreux avantages en nature (scolarité des enfants dans de très bons établissements, logement voire personnel de maison, voiture, …) complètent ces packages.   Au retour, ces                                  incitations disparaitront sans garantie de promotion et/ou d’augmentation salariale. Si le salarié ne se détache pas de son train de vie au pays d’affectation, sa démotivation grandira. De la même manière, les expatriés ont                          souvent plus d’autonomie loin du siège. Aussi, ils devront accepter une culture plus hiérarchisée afin de ne pas nourrir de frustration.

 

  1. Savoir nouer la relation avant d’imposer son discours sur son vécu dans le Pays d’Accueil

Evoquons le salarié de retour d’Australie se plaisant à décrire ses soirées quotidiennes de surf dès 17 h. Il fera rêver ses collègues l’espace de quelques jours mais rapidement cela peut lasser les personnes dont la culture du                         travail nocturne témoigne d’une grande implication professionnelle. Plusieurs années après, de nouveaux collègues ont rejoint l’entreprise. Apprendre à les connaitre, cerner ce qui les fait vibrer avant de monopoliser                                   l’attention,  permettra de partager les centres d’intérêts communs et de s’intégrer plus facilement .

 

  1. Et pourquoi ne pas faire appel à un coach

Si malgré ces recettes, des moments de spleen subsistent, bonne nouvelle : des solutions existent. En effet, certains coachs se sont spécialisés pour préparer les salariés au retour avant ce dernier, puis les accompagner une fois                  rentrés dans leur pays de départ.

 

Quelle que soit la recommandation suivie, l’anticipation reste le maitre mot pendant toute la mission.

Ces actions mises en œuvre par vos salariés devront être complétées par votre posture.

Elle passera par une indispensable coordination des services Ressources Humaines du Pays d’Origine et de celui du Pays d’Accueil, également par celle des départements Mobilité Internationale et Gestion des Talents.

Pour les échanges entre Responsables RH des Pays d’Origine et Pays d’Accueil, lorsque les expatriés atteignent un volume important, cela peut se faire via des conférences téléphoniques ou des visios mensuelles avec des points sur les expatriés devant finir leur mission sous 6 mois.

Pour les entreprises dénombrant moins de salariés en transfert international, ce partage se fera lors de révisions salariales annuelles conjointes afin d’appréhender tant les nouvelles compétences développées qu’anticiper les retours et les projections d’affectation.

Ces pistes sont simples à mettre en œuvre. Alors professionnels des RH, passez de l’incantation à l’action pour du gagnant-gagnant.