La mobilité des salariés à l’international soulève de nombreuses questions tant pour le collaborateur que pour l’employeur.

Si aucune législation n’impose la rédaction d’une charte ou d’une politique de mobilité internationale, sa mise en place se révèle incontournable pour encadrer les conditions régissant les missions à l’étranger afin d’assurer une équité entre salariés, de s’affranchir de nombreuses négociations chronophages et d’éviter toute dérive de coûts liés à la mobilité internationale.

Les collaborateurs à qui l’entreprise propose une expatriation peuvent percevoir cela comme un signe fort de l’employeur les identifiant comme un talent sensible. Ils se comportent parfois en « divas ». Rien n’est trop beau pour ces « happy few » particulièrement exigeants sur les conditions matérielles accompagnant leur mobilité.

Mais le plus souvent prises individuellement, les demandes des salariés restent légitimes.

Malgré la pression, le service Mobilité Internationale ne doit pas céder à toutes les demandes.

Il devra avoir une main de fer dans un gant de velours.

Dans ce contexte de subtil équilibre, une politique de Mobilité Internationale trouvera toute sa place.

Nous vous proposons la démarche à suivre pour la concevoir.

Elle pourra s’appliquer pour sa rédaction ou pour conduire l’audit d’une charte existante voire pour harmoniser 2 politiques lors de la fusion de plusieurs sociétés.

La 1 ère étape consiste à travailler avec la direction générale pour analyser et comprendre la stratégie de l’entreprise, sa vision à moyen voire long terme afin que la politique des transferts internationaux puisse servir les besoins et objectifs de l’entreprise. A défaut, elle se révèlerait un catalogue de mesures d’accompagnement non porté par la direction.

Un audit de l’existant doit être fait :

 Indicateurs de la Mobilité Internationale

  • quel est le profil des salariés en transfert international :
    • fonction ?
    • situation de famille ?
    • âge ?
    • niveau et type de formation ?
    • ancienneté dans l’entreprise ?
  • quels sont les pays de départ et d’accueil des salariés :
    • l’entreprise a-t-elle une entité dans chaque pays recevant un collaborateur ?
  • quels sont les objectifs de la mission :
    • formation ?
    • développement de la culture du groupe ?
    • palier à un manque de compétences locales ?
  • quelle durée des missions à l’étranger ?
  • combien de salariés à l’étranger :
    • en cours de mission ?
    • effectif de départ chaque année ?
    • nombre moyen de retour tous les ans ?

 ORGANISATION de la Mobilité Internationale

  • Existe-t-il déjà une politique ou quelques grands principes entourant l’accompagnement des salariés envoyés dans un autre pays ?
  • Comment les packages sont-ils octroyés aux salariés ?
  • Quelle est la durée de préparation pour un départ en expatriation entre la sélection du candidat et son affectation à l’étranger ?
  • Quels sont les process en place pour gérer les expatriés ? sont-ils :
    • formalisés ?
    • partagés entre les différents services ?
    • digitalisés ?
  • Quelles sont les ressources :
    • l’entreprise a-t-elle les compétences techniques en gestion de la mobilité internationale en interne ?
    • la société a-t-elle des relais locaux maitrisant les techniques de la mobilité internationale ? le cas échéant, dans quels pays ?
    • fait-elle appel à des prestataires externes ? lesquels ? pourquoi ? comment évalue-t-elle leurs prestations ?
  • Des études de coûts ont-elles été élaborées en amont ?
  • Comment est assuré le respect de la réglementation, qu’il s’agisse d’immigration, de droit du travail, de fiscalité ou de protection sociale ?
  • Quelles démarches l’entreprise conduit-elle pour se mettre à jour de la réglementation dans tous les pays ?

En parallèle, interrogez toutes les parties prenantes (expatriés actuellement en poste ou de retour de mission, collègues RH du Pays d’Origine et ceux du Pays d’Accueil, managers opérationnels, patrons de filiales) afin d’identifier leurs besoins et suggestions d’amélioration sur les process.

Après l’audit interne, interrogez les pratiques du marché en benchmarkant sur ce que font les autres sociétés de taille similaire dans le même type d’industrie. Peu de littérature existe sur le sujet. Aussi, la participation à des cercles professionnels (Cindex, Cercle Magellan, …) nourrira votre réflexion.

De plus, lisez régulièrement les newsletters des grands cabinets juridiques et fiscaux (Ernst & Young, KPMG, Taj, Vialto, …) pour respecter les règles de compliance.

Puis démarrez la rédaction de la politique.

Définissez si vous aurez une seule politique pour toutes les mobilités ou si vous la segmenterez par profil (mesures d’accompagnement différentes selon les situations : conditions pour mobilités dans le même continent, packages plus généreux pour des transferts hors continents, …) sans introduire de critères discriminatoires (âge, sexe, …) pour bénéficier de tel ou tel package. Jusqu’à 3 ou 4 politiques nous semblent une bonne option. Au-delà, reviendrait à gérer trop d’individualisations et dévoierait le principe de politique.

Votre charte devra couvrir les sujets suivants :

  • population éligible
  • périmètre géographique
  • objectifs et durée de la mission
  • l’initiateur de la mobilité : employeur ? salarié ?
  • le type de contrat de travail : maintien au pays d’origine ? contrat au pays d’accueil ?
  • la législation applicable
  • le lieu de versement de la paie
  • la couverture sociale
  • le traitement de la fiscalité personnelle
  • la rémunération : salaire de base, bonus individuel / collectif, process de révision salariale / mise à jour du salaire de référence, gestion du taux de change, primes diverses (prime de mobilité, indemnité de coût de la vie, prime de difficulté de vie), package à l’installation / pendant la mission : logement, école des enfants, …, / au retour
  • la gestion et les droits à congés
  • le process de gestion de carrière
  • les modalités du retour

Intégrez les nouvelles formes de mode de travail. Encadrez notamment les conditions d’éligibilité au télé-travail à l’étranger. Il entraine des conséquences juridiques et fiscales complexes. En terme de marque employeur, il semble difficile de l’éluder d’emblée mais il convient de l’anticiper pour pouvoir justifier les éventuels refus. Cela sécurisera l’entreprise et le salarié situé physiquement dans un pays et travaillant à distance pour une entité du Groupe dans un autre pays.

Puis vous déterminerez qui, du pays de départ, de l’entité d’accueil voire du siège paie quoi en le formalisant dans un document « accord de partage des coûts » à faire signer par chaque pays lors de la mise en place de la nouvelle mobilité.

Réalisez des simulations de coûts pour accompagner le business, le conseiller sur ce qui doit être provisionné en fonction du type de mobilité.

Malgré l’anticipation des situations, des demandes particulières s’inviteront forcément dans votre gestion quotidienne nécessitant de définir un process de gestion des exceptions très encadré : mise en place d’un formulaire de demande de dérogation à la politique, process de validation des exceptions et de suivi de ces dernières. Information purement interne à l’attention des collègues RH.

N’oubliez pas les salariés en cours de mission et proposez les options possibles pour gérer la transition.

Définissez « le qui fait quoi ? » : rôles et responsabilités de chaque acteur impliqué dans la mobilité internationale (RH / équipe paie / managers du pays de départ et de celui d’affectation).

Testez vos process et automatisez-les autant que possible.

Formez régulièrement vos collègues en mode équipe pluri-disciplinaire. Réunissez les équipes RH et paie afin qu’elles aient le même langage, le même vocabulaire et intègrent chacune les besoins d’informations des uns et des autres.

Assurez-vous que la politique soit facile à administrer.

Obtenez l’approbation formelle de la direction.

Etape suivante : montez votre plan de communication pour marketer votre politique auprès de vos collègues RH, de vos managers et de vos salariés :

  • Donnez un nom à cette politique en veillant à ce qu’il se prononce aisément dans différentes langues et valorise le collaborateur («  emerging talent policy »  vs « local + policy »).
  • Rédigez guides et brochures adaptés à vos collègues RH avec le détail des process, de vos managers opérationnels et de vos patrons de filiales et enfin pour vos salariés
  • Communiquez sur les success stories

Enfin mesurez régulièrement la satisfaction de tous les acteurs liés à la mobilité internationale.

Vous voilà prêts à embarquer vos salariés pour des missions réussies à l’international.

 

Article rédigé par Anne-France Tremeau, qui fait partie de notre réseau de partenaires professionnels en mobilité internationale.