Tout dirigeant, manager aspire à aller vite pour atteindre ses objectifs professionnels, forts de l’adage : « le temps, c’est de l’argent ».
Lorsque l’entreprise se développe à l’international, elle envoie un ou des salariés à l’étranger.
Elle se trouve alors confrontée à maints sujets et problématiques tant en termes d’immigration, de droit du travail, de fiscalité, de protection sociale, de rémunération, de paie, de sureté et sécurité.
Une mauvaise gestion de ces différentes disciplines conduit à des risques pénaux, financiers ou encore d’image pour les entreprises confondant vitesse et précipitation sans prendre le temps nécessaire d’adresser chaque sujet.
Nous évoquerons quelques exemples pour sensibiliser les managers aux différents risques à l’international.
En immigration: prenons la situation d’un département qui attend l’arrivée d’un collaborateur japonais expert mondial dans son domaine. La procédure d’obtention du visa et du permis de travail pour exercer en France peut prendre plusieurs semaines voire des mois. Bien que l’entreprise ait monté le dossier de manière diligente, elle reste totalement tributaire des délais incompressibles des administrations tant en France que dans le pays de départ.
Pour anticiper l’arrivée en France de ce salarié non européen, l’entreprise serait tentée de lui proposer de démarrer son activité en venant en business trips à Paris pendant la durée de l’instruction du dossier.
Travailler en France lors de ces aller-retours, même de courte durée, relève du travail dissimulé passible de sanctions pénales pour l’employeur.
Autre situation, le manager français qui piaffe d’impatience de voir son talent japonais à l’œuvre prendra toutes les dispositions utiles pour que ce dernier soit immédiatement opérationnel à son arrivée en France : installation du bureau avec branchement de l’ordinateur, mise à jour du répertoire téléphonique, inscription du nom du salarié sur la porte de son bureau, … et ce, pendant la période de procédure d’immigration. Gare au zèle : il peut couter cher dans la mesure où tous ces préparatifs sont interdits tant que le salarié n’a pas obtenu son visa et permis de travail. Cela s’assimile également à du travail dissimulé très lourdement sanctionné.
Ajoutons qu’un visa touriste ne veut pas dire permis de travail et droit de travailler. Les départements Ressources Humaines devront tempérer la pression du business.
Au Qatar ou Aux Émirats Arabes Unis, sans sponsor local, le salarié ne pourra pas travailler dans le pays. Toutes ces démarches prennent du temps.
Concernant le droit du travail, l’entreprise devra s’interroger pour savoir si elle doit impérativement faire un contrat de travail dans le pays d’accueil ou bien si elle peut se contenter de maintenir le contrat de travail actif dans le pays de départ sans envisager de contrat dans le pays d’affectation, sous réserve que le lien de subordination (la personne qui donne les ordres de travail, contrôle son exécution, …) soit dans le pays de départ.
Les infractions en matière d’immigration et de droit du travail relèvent de sanctions pénales.
Les sujets relatifs à la fiscalité ou à la protection sociale mal gérés feront encourir de lourdes pénalités financières à l’employeur.
En fiscalité, il convient de gérer la fiscalité société (Corporate tax) et la fiscalité individuelle des collaborateurs.
Le premier point concerne l’impôt sur les sociétés et le risque d’établissement stable.
En fonction de la réglementation des pays, certains actes paraissant anodins tels que la signature d’un contrat commercial dans un pays où l’entreprise n’est pas installée peut créer, de facto, une entité juridique dans ce pays et entrainer le paiement d’un lourd impôt sur les sociétés bien souvent non budgété.
Citons aussi la TVA sur les refacturations notamment en Chine, refacturer un salaire entraine une TVA de 12 % qu’il convient d’anticiper.
Pour la fiscalité personnelle, la règle est le plus souvent le principe de territorialité. L’impôt est dû dans le pays où le salarié exerce physiquement son activité, que la rémunération soit versée dans ce pays ou non. Avec le déploiement des outils d’intelligence artificielle, les autorités n’ignorent plus ce qui est versé. Le « pas vu, pas pris » qui a eu cours un temps serait bien trop risqué de nos jours.
En matière de protection sociale, prenons l’exemple de la retraite, sujet oh combien sensible en ces temps. Il existe des règles entre les pays, plus ou moins faciles à trouver permettant ou non le cumul des durées de cotisations. Si au cours de sa carrière, un salarié a travaillé plusieurs années en France et aux USA, les périodes de cotisation s’additionneront pour le calcul des droits à la retraite. Idem si le salarié a travaillé en France et en Allemagne. Par contre, le temps de travail dans les 3 pays ne pourra pas s’additionner sauf si des mesures spécifiques telles que des cotisations à la CFE (Caisse des Français de l’Etranger) auraient été effectuées. En revanche, si la carrière s’était déroulée en France, au Brésil et en Allemagne, l’ensemble des cotisations faites dans chaque pays est pris en compte pour le calcul des droits à la retraite. Une analyse fine de la carrière complète auprès de spécialistes s’avère nécessaire pour éviter toute déconvenue lors de la liquidation de la retraite.
Une entreprise qui ne respecterait pas les règles des pays dans lesquels elle fait des affaires courrait un fort risque d’image tant vis-à-vis des autorités locales, de la communauté business y compris aux yeux des clients et enfin créerait de grandes frustrations parmi ses salariés. Ces manquements pourraient conduire jusqu’à l’interdiction d’effectuer des affaires dans un pays pendant plusieurs années.
Le cadre réglementaire n’aide pas forcément les employeurs.
Au-delà du fait qu’il recouvre plusieurs disciplines et soit en évolution permanente, il n’est pas rare que les autorités, le législateur, oublient les situations de personnel en mobilité internationale.
Les responsables Mobilité Internationale se trouvent parfois face à des vides juridiques. Ils doivent alors prendre des décisions en s’appuyant sur leur seul bon sens. Cela a notamment été le cas lors de la crise Covid. Tant de situations n’avaient pas été juridiquement envisagées. Il a fallu gérer dans l’urgence en mobilisant son réseau d’experts avocats en immigration / droit du travail / fiscalité / protection sociale, ses homologues dans d’autres entreprises.
Au-delà du cadre réglementaire, nous faisons actuellement face à une pénurie de talents internationaux. Le management a une forte pression en matière de rétention des talents. Aussi, pour les conserver, les managers se plieront aux exigences de cette population sensible en imposant aux Ressources Humaines des schémas très créatifs, voire un peu « sioux » sans mesurer la complexité de la mise en musique opérationnelle tant sur les plans contractuels, couverture sociale, rémunération et paie.
Les exigences, voire les caprices de ces collaborateurs ne facilitent pas non plus la gestion de la population en transfert international. Depuis la crise Covid et le développement des nouvelles technologies, les demandes de télétravail à l’étranger sous des climats plus cléments affluent.
Les salariés candidats à ce type d’organisation, voire leurs employeurs ignorent bien souvent les conséquences juridiques et fiscales auxquelles ce nouveau mode de travail les confrontera.
Lorsqu’un salarié décidera de télé-travailler de son domicile en Espagne plutôt que dans les locaux de l’entreprise à Paris, cette dernière devra s’immatriculer en Espagne et s’acquitter des charges sociales espagnoles sauf à mettre en place un portage salarial en Espagne pour faciliter les démarches administratives et gagner un temps précieux.
Autre exemple : un salarié vient récemment de demander à son employeur de poursuivre son activité en distanciel tout en faisant le tour du monde pendant un an. La direction de cette entreprise s’est retrouvée totalement perdue sur le schéma contractuel à mettre en place. Elle s’interrogeait sur le pays dans lequel verser les cotisations sociales et les impôts.
Toute entreprise se souhaitant attractive pour les talents peut difficilement fermer la porte à ces demandes. Il convient alors de cadrer les conditions dans lesquelles elle les acceptera voire les raisons pour lesquelles elle les refusera.
La Mobilité Internationale reste un domaine touchant plusieurs disciplines toutes interconnectées.
Il est difficile de cocher toutes les cases, de concilier les urgences du business et la conformité.
Gérer des salariés en Mobilité Internationale est une gestion des risques. Bien souvent les personnes en charge de ces sujets devront arbitrer et valider la situation la moins risquée.
Parfois il arrive d’avancer tout en sachant que les positions prises sont limites mais elles doivent dans ce cas, a minima, être provisionnées.
Chaque pays ayant ses propres règles en matière d’immigration, de droit du travail, de protection sociale ou de fiscalité, une étude approfondie couvrant chaque champ sera nécessaire pour tout nouveau dossier de Mobilité Internationale. Pas de place pour le copier / coller.
La valeur ajoutée du responsable Mobilité Internationale réside dans sa pédagogie auprès de ses différents clients (direction, management, collègues RH, salariés, …).
Il devra faire preuve de persuasion sachant que la déclinaison technique des sujets fiscaux, protection sociale, immigration les passionnent plus ou moins mais cela reste le seul moyen de protéger les salariés voire leur famille, d’éviter tout « gaspillage » notamment financier pour l’entreprise et lui permettre un développement serein et robuste à long terme.